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3 avril 2025

Lancement de l’Observatoire de la Résilience de la Supply Chain : vision globale, actions concrètes

Yann de Feraudy

Je pense qu’il y a une sorte de mythe derrière la résilience et je crois que quand on est rentré dans le sujet, en fait, on cherchait une note, on cherchait un champion, on cherchait les meilleurs, et cetera. Et je me souviens que l’on a eu quelques séances avec le COPIL où c’était assez tendu parce que, finalement, ce que nous avons recherché ce sont des meilleures pratiques afin de les mettre en valeur et les partager.

C’est sur ces mots de Yann de Feraudy, président de France Supply Chain que s’est ouvert la soirée de restitution de notre Livre Blanc : Résilience de la Supply Chain.

Avec cette co-publication France Supply Chain/Sopra Steria Next, ce qui nous intéresse est la dynamique dans laquelle s’inscrivent les entreprises. Nous souhaitions également mettre en place des indicateurs de cette résilience, car les choses qui sont mesurées sont managées ! C’est pourquoi nous avons décidé de créer, autour de cette première étude, un observatoire de la résilience des entreprises, le premier du genre, dont l’objet est :

Gestion des risques supply chain

De faire un état des lieux régulier à l’aide d’un “indice” de la résilience des entreprises

Gestion des risques supply chain

D’identifier des bonnes pratiques

Gestion des risques supply chain

De proposer des retours d’expérience et des avis d’experts

Gestion des risques supply chain

D’alimenter la réflexion avec un recueil des études et analyses remarquables

Gestion des risques supply chain

De partager cela auprès de la communauté de la Supply chain

Évaluation de la maturité des entreprises

L’étude s’appuie sur des référentiels connus de supply chain, examinant les fonctions de planification, d’achat, de production, de distribution, ainsi que les fonctions environnantes comme les systèmes d’information et la durabilité. « Les entreprises sont évaluées sur une échelle de maturité de 1 à 4, où 4 représente un avantage compétitif. La résilience commence à partir de la maturité 3. » précise Philippe Armandon, Directeur de la practice Excellence des Opérations Industrielles et Supply Chain de Sopra Steria Next et pilote de l’étude. Parmi les 39 entreprises ayant répondu au questionnaire, seulement 26 ont complété l’ensemble des questions de maturité. Cette double approche permet d’obtenir un échantillon global sur les pratiques organisationnelles et un échantillon plus restreint pour l’analyse détaillée de la maturité.

Les résultats montrent que la note moyenne de maturité est de 2,59, avec seulement 6 entreprises atteignant le niveau 3, seuil à partir duquel la résilience devient un levier stratégique. Les entreprises les plus avancées dans ce domaine traitent régulièrement la supply chain au niveau du COMEX, témoignant ainsi de l’importance d’une gouvernance intégrée. Pour faire le lien avec la suite de cet article, il est intéressant de noter que seulement 10 % des entreprises disposent d’une visibilité sur plusieurs niveaux de leur chaîne d’approvisionnement, la complexité augmentant significativement avec les fournisseurs de rangs inférieurs.

Les résultats montrent que la note moyenne de maturité de leur supply chain est de 2,59 en 2025

Risques versus résilience

Avant d’entrer dans le vif des échanges, les participants ont souhaité revenir sur la définition de ces 2 termes. « Risque et résilience, ce sont des notions qui sont un petit peu différentes ; il y a un amalgame entre la notion de risque et de résilience. » La distinction essentielle réside dans l’approche adoptée face aux événements. Lorsqu’il s’agit du risque, l’analyse se concentre principalement sur les événements eux-mêmes et sur la vulnérabilité qu’ils peuvent engendrer, qu’il s’agisse de risques climatiques, de cybersécurité ou d’autres menaces. Cette perspective met l’accent sur l’identification et l’évaluation des menaces immédiates susceptibles de perturber l’activité.

À l’inverse, la résilience repose sur l’évaluation et le renforcement des capacités à long terme. Cette approche inclut une réflexion approfondie sur les « capabilities » au sens large, englobant la planification, la production, l’approvisionnement, la distribution et la communication.

Photo de Walid Klibi

Ces deux notions sont complémentaires. Il faut commencer par l’analyse des risques parce qu’elle fournit la base de vulnérabilité sur laquelle une couche de résilience peut être ajoutée. Et si l’on veut être vraiment résilient, il faut un alignement entre la vulnérabilité et le niveau de résilience investie.

 précise Walid Kibli, Enseignant chercheur de l’ISLI KEDGE, associé au MIT. Cette articulation permet d’assurer une gestion proactive et adaptable face aux aléas.

La stratégie de Renault face aux risques

Lors de cette table ronde, Thierry Blein GM Supply Chain Risks and Business Continuity Plan nous a tout d’abord présenté la complexité de la Supply Chain de Renault. En effet, la production atteint 15 000 véhicules par jour, chaque voiture étant constituée d’environ 2 000 pièces provenant de 4 000 fournisseurs de premier rang. En profondeur, Renault collabore avec près de 60 000 fournisseurs. En aval, 2 000 camions ou bateaux transportent quotidiennement des véhicules vers 5 000 points de vente répartis dans 130 pays. Cette organisation mondiale et interconnectée rend inévitable l’exposition aux perturbations : « en 2024, en 7 mois, nous avons subi 10 inondations qui ont impacté les opérations ».

Évaluation de la maturité des entreprises

Pour renforcer sa résilience, le groupe a pris des décisions stratégiques structurantes ces dernières années, notamment en rattachant la fonction Supply Chain au CEO et en investissant dans la digitalisation. Cette transformation permet de décloisonner les données et d’obtenir une vue globale des risques fournisseurs. Plutôt que de se focaliser sur la probabilité d’apparition des risques, Renault évalue leur impact potentiel sur l’activité. Une équipe transverse, dotée d’un budget dédié, analyse les vulnérabilités et anticipe les crises en surveillant les fournisseurs critiques.

Renault a également mis en place un référentiel unique de gestion des risques accessible à toutes les parties prenantes. Cette approche permet d’identifier les fournisseurs cumulant plusieurs facteurs de risque et d’évaluer l’impact potentiel sur la production en cas de perturbation. Cette méthodologie, axée sur l’impact business, révèle des vulnérabilités invisibles avec les approches traditionnelles centrées sur la probabilité.

Le sujet complexe de l’investissement pour la résilience

« Quand vous parlez aux gens du métier dans la supply, ils savent quoi faire : ils savent où investir, où mettre de la flexibilité, ou des stocks stratégiques. Mais il existe une réelle difficulté à justifier ces investissements auprès du top management. » Ce constat souligne un paradoxe fondamental : investir dans la résilience signifie allouer des ressources pour prévenir des événements que l’on espère ne jamais voir survenir. Dans ce contexte, les méthodes financières classiques, comme l’analyse du retour sur investissement (ROI) ou la valeur actuelle nette (NPV), se révèlent souvent inadaptées.

Une approche alternative consiste à intégrer la théorie des options, déjà utilisée dans des secteurs technologiques comme ceux de HP ou Boeing. Ce cadre théorique introduit le principe du « droit sans l’obligation » (« the right and not the duty »), offrant ainsi la possibilité d’agir sans engagement immédiat. Cette méthode permet de valoriser la flexibilité des décisions en tenant compte des incertitudes futures. Adopter une logique d’options permet aux entreprises de prendre des mesures préparatoires (réservations, pré-actions) qui facilitent une réponse rapide aux crises lorsqu’elles surviennent. Cette approche reflète une gestion dynamique et adaptative des risques.

La place prépondérante de la technologie et de l’IA

La place prépondérante de la technologie et de l’IA

L’utilisation des technologies numériques et de l’intelligence artificielle est essentielle pour assurer un suivi précis des risques fournisseurs et une détection précoce des signaux faibles, « un investissement massif  sur 3 ans a été consenti pour digitaliser et dé-risquer nos fournisseurs les plus impactant ». Grâce aux outils numériques, Renault est ainsi en mesure de surveiller en continu l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement et de détecter les premiers signes de fragilité chez ses fournisseurs. Par exemple, les solutions de gestion des risques basée sur l’IA permettent de repérer les tensions sociales, les problèmes environnementaux ou les difficultés financières pouvant affecter les fournisseurs.

Renault mise sur deux piliers pour améliorer l’anticipation : la visibilité et l’agilité. La visibilité repose sur une connaissance en temps réel des flux logistiques, notamment grâce au suivi GPS des camions et des navires. Cette surveillance constante permet d’identifier rapidement tous les risques climatiques ou logistiques et d’adapter les prévisions de production en fonction des ETA (Estimated Time of Arrival) recalculés versus les stocks de sécurité en usine . L’agilité, quant à elle, consiste à élaborer des scénarios préconfigurés pour faire face aux disruptions, tels que l’utilisation de pièces interchangeables ou de fournisseurs alternatifs. Ces scénarios sont centralisés dans une « Control Tower » facilitant la prise de décision opérationnelle en temps réel.

Pour réfléchir plus loin

L’importance de garder les pieds dans l’opérationnel et de raccourcir la chaine de décision

La coordination directe des crises Supply Chain est essentielle pour maintenir une compréhension concrète des risques. Être sur le terrain permet d’identifier rapidement les dysfonctionnements et d’évaluer si une meilleure cartographie des risques aurait permis de les anticiper. Ce double rôle, à la fois opérationnel et stratégique, favorise des boucles de correction plus rapides et plus efficaces.

L’importance de simplifier la Supply Chain pour améliorer la résilience

Multiplier les fournisseurs pour diversifier les sources d’approvisionnement peut sembler être une solution évidente, mais cela complique considérablement la gestion opérationnelle. Sans outils numériques adaptés, il devient difficile de localiser précisément les fournisseurs et de détecter les signes de défaillance. L’automatisation et la mécanisation des entrepôts ajoutent également de la complexité. Une simplification ciblée, appuyée par des technologies de suivi et d’analyse, est essentielle pour garantir une résilience durable tout en évitant de créer des structures trop lourdes et difficiles à piloter.
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